Wazemmes que vous aimâtes
Oublions ces fêtes — vous nous la surfêtes populaire, messieurs et mesdames les élus ! — qui ont multiplié depuis quarante ans les occasions de joyeux regroupements autour de l’église Saint-Pierre et Saint-Paul. Certes, la place de la Nouvelle Aventure tient son nom d’une guinguette éponyme qui fit danser toute la petite bourgeoisie lilloise jusqu’au milieu du XIXe siècle. Lorsqu’on décida de la détruire, en 1858, afin de laisser place au Marché de Wazemmes, la chronique rapporte qu’il faillit y avoir une émeute. Mais c’est l’industrialisation galopante qui en éloigna les joyeuses familles Fenouillard.
Et les flonflons de Saint-Rémy-sur-Deûle furent peu à peu remplacés par le vacarme entêtant des bancs à broches et des peigneuses. Wazemmes, ce « grand village avec sa verdure et ses gloriettes » se transforma en entrelacs de rues et de courées insalubres qui ne disparurent qu’à partir des années 1980.
Venons-en à la vraie vie. Elle est, bien sûr, ailleurs. Et disons le crûment, depuis que l’usine et la guinguette ont fermé leurs volets, ailleurs, c’est à peu près nulle part. Quand l’agenda du spectacle comporte, aujourd’hui, chaque soir, à l’heure d’internet et de la télé numérique et VOD, six concerts incontournables, trois représentations théâtrales exceptionnelles, quatre vernissages indispensables… De la vie, il n’y a que de pauvres images produites par des miséreux à leur propre usage.
Il y a quarante ans, l’improbable client de la culture n’avait le choix qu’entre le bistrot du coin. Ce qui était tout différent d’aujourd’hui.
Pour peu qu’ils soient motorisés et dotés d’une bonne carte routière, les plus intrépides d’entre nous, pouvaient s’aventurer jusqu’à Wannehain, à quelques kilomètres de Baisieux en direction de Bourghelles, où l’hirsute Gérard Capelle et son épouse Jacqueline, des pionniers, attendaient chaque soir le chaland dans leur Tanière.
Le chaland se fit rare après la première semaine d’ouverture : les autochtones, d’abord intéressés, avaient été fort déçus de n’y point découvrir quelque bobinard. Pourtant le programme de Capelle laissait peu d’ambiguïté sur ses intentions : La Tanière s’affirmait comme un « cabaret d’un style nouveau dans la région » où l’on pouvait « danser sur une musique choisie » et applaudir « près du feu de bois, poètes, chanteurs et guitaristes ». Le programme, il est vrai, annonçait aussi « la dégustation de spécialités… »
C’est à La Tanière que Noël Simsolo récitait déjà des poèmes de Boris Vian ou des textes de Céline ; pas Dion, mais l’auteur de Mort à crédit. Comédien au petit théâtre du Pont Neuf, il deviendra, quelques années plus tard, le critique, l’acteur, le metteur en scène et l’auteur de polars que l’on apprécie. Aux côtés de Pierre Degeyter, compositeur de l’Internationale, et du général de Gaulle, il faudra lui garder une place dans le Panthéon lillois.
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