Si l’ bon Dieu
Les chansons ont une vie propre. Certaines en ont plusieurs. Mais la nature de ces œuvres mineures, parfois même inavouables, se nourrit de coups de grisou, de nostalgies gnangnans et de discrètes complicités. Elles créent un climat propice à la conspiration. Populaires, elles le sont d’ailleurs pour autant qu’elles se conforment aux innombrables contingences et mystères du réel. Ce qui leur assure une vitalité insoupçonnée. J’ai eu l’occasion de vérifier, avec quelque émotion, comment les passeurs de mots et les contrebandiers de la rengaine peuvent réussir à faire traverser un demi-siècle à certaines chansons. Ainsi ai-je retrouvé Si l’ bon Dieu, quarante ans après l’avoir lâchement abandonnée. Bien sûr, la clandestinité exigeait qu’elle changeât d’identité, mais je la reconnus, dès les premières mesures sous le titre percutant de Satan que lui avait donné La Bande à Paulo et Le Tire-Laine d’Arnaud Vanlancker. A part cela, elle n’avait pas pris une ride, pas changé d’un poil de triple croche. Et une dizaine de pochetrons cosmopolites en reprenait le refrain en chœur. Gérard Buisine qui, depuis une vingtaine d’années, sévissait au Relax, bouge éthylo-culturel de quartier, avait assuré une certaine reconnaissance à ces couplets anticléricaux des années 1960.
Si l’ bon Dieu reconnaît les siens
Qu’il me permette d’être des autres
J’ai un’ grande gueule, il le sait bien
Je n’ ferais pas un bon apôtre
Gérard m’a persuadé d’ouvrir mes tiroirs où dormaient d’autres rengaines que de rares rescapés avaient peut-être en mémoire. J’en ai profité pour me mettre à jour en trichant un peu avec la postérité. Afin de pouvoir, comme le suggère le poète, lui dire merde et remerde. Je ne me suis pas souvent retrouvé dans ces esquisses de jeunesse, mais Buisine a su me convaincre de leur charme ou de leur intérêt. Certaines chansonnettes ont été gardées dans leur jus, d’autres relookées… et puis je m’y suis vraiment remis. Alors, du bricolage d’anciennes, de nouvelles et de nouvelles anciennes, sont sorties une septantaine1 de futurs tubes. Bien malin qui peut dire si on arrêtera là.
-
Y compris les quelques hymnes célébrant les nains de jardin. Il serait injuste de ne pas noter le rôle de Didier Lejeune dans cette aventure. Eh oui ! C’est l’Internationale des Nains de Jardin qui m’a remis en piste en 2006, après ces années de silence. Pourquoi avoir persévéré, d’ailleurs, puisque tout était déjà dit dans cette Internationale ? ↩
Les commentaires sont fermés.