C’est ailleurs et c’est tout près d’ici
C’est ailleurs et c’est tout près d’ici. Au Verlaine, le mardi 7 novembre. Je remercie monsieur Hughes D. d’Ostricourt d’avoir si scrupuleusement écouté les bruits de ma rue.
Je n’irai pas par quatre chemins.
Tant qu’à courir les rues, mieux vaut d’ « ailleurs », en même temps, battre la campagne. C’est pourquoi je me suis embarqué dans un car décapotable lillois « City Tour » qui m’a d’abord conduit rue Princesse face à la maison natale du Général de Gaulle puis dans une improbable dérive touristique à travers la métropole : rue du Court Debout, rue du Sec Arembaut, rue de l’ABC, Général fait d’herbes, Grand Stade, buste d’Albert Samain, statue du grand Timonier, monuments du P’tit Quinquin et du Pigeon Voyageur, Bains Lillois et boulevard Julien Torma…
Avant d’entreprendre sur les conseils de mon correspondant d’Ostricourt une odyssée qui me mena en face de la mairie d’Hellemmes.
Périple bien riche. Tout compte fait.
Flash-back. Place de la Nouvelle Aventure. Un dimanche matin. Lumière naturelle.
Un marchand ambulant de bonnetterie, bimbeloterie, mercerie,… harangue une cohorte de chalands virtuels.
« Acate grammint ! », clame-t-il à tue-tête. Ce qui peut se traduire en français « Tout est à vendre, n’hésitez pas ! ». Et les clients de s’abattre sur son étal par vagues successives, comme autant de volées de moineaux.
Le commerçant s’époumone. On se bouscule, on se dispute. « Acate grammint !», hurle-t-il.
Plan large. Place du Marché. Puis contre-plongée sur l’église St Pierre St Paul. Les cloches sonnent. Il est 10 h. Travelling latéral. Tables encore vides à la terrasse du café « Les Tilleuls ».
« Acate grammint ! acate grammint ! »
… Et s’envolent les pages de l’éphéméride.
Le vent, la pluie, la neige – et parfois quelques rayons de soleil entre les nuages -. Les bronchites et les rhumatismes. Le vin chaud-cannelle, le grog-rhum-de-La-Martinique, La Gueuse Bellevue transforment d’année en année la silhouette et la bonne humeur de l’opiniâtre camelot. On se lasse même de son chant rituel moins percutant.
Il quitte son emplacement au moment même où le général de Gaulle est élu président de la République. Il a assuré ses arrières et se replie au bout de la rue Roger Salengro bien loin de la Douane de Fives. À Hellemmes. Il y ouvre une petite boutique.
Sur la façade il fait inscrire son cri de guerre… ce qui lui économisera les cordes vocales.
C’est un succès.
Comme il n’a pas déposé légalement l’intitulé de son enseigne, un concurrent envieux se l’approprie et tient bientôt commerce rue Saint André, dans le Vieux Lille.
Sur l’auvent de son magasin, le mauvais temps n’a pas effacé le slogan « accate gramin ». Certes l’orthographe comme la marchandise (fruits et légumes) ont changé, mais le passant passe et dépense !
« Accate gramin » ch’est toudis « acate grammint ». Avant comme après le général de Gaulle, le P’tit Quinquin, Albert Samain et les pigeons voyageurs.
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