ASQFA, qu’est-ce que c’est ?
Mais kéceukeucé ?
Certains d’entre vous se sont interrogés sur cette ASQFA qui diffuse actuellement le Cd Dans ma rue. Pour ne pas alimenter les rumeurs, je me devais de faire un retour sur l’histoire de L’Académie septentrionale de Queneaulogie fondamentale et appliquée.
Elle a été créée à la suite de ma rencontre avec André Blavier à Verviers, fin octobre 1986 et de deux réunions consécutives avec quelques amis, à Lille, dans les semaines suivantes. En 1980, je m’étais rapproché des Amis de Valentin Bru (AVB), association fondée en 1977 par Claude Rameil qui m’avait fait connaître André Blavier. Ce dernier animait la revue Temps Mêlés, fondée en 1952 et devenue Temps Mêlés – Documents Queneau – à la mort de l’auteur du Chiendent, en 1976. Blavier, en 1982, avait publié Les fous littéraires, aujourd’hui, ouvrage de référence. Mais aussi les Écrits complets de René Magritte, trois ans plus tôt. Bibliothécaire à Verviers, près de Liège, il entretenait des relations avec les principaux animateurs, groupes, revues de ce que l’on nommera la Belgique sauvage.
Il organisait régulièrement des expositions et des conférences qui rassemblaient la fine fleur des « irréguliers » (Marcel Mariën, Louis Scutenaire, Pol Bury et André Balthazar…) sans compter les brebis égarées ou évadées du surréalisme français, tels Noël Arnaud, Roland Topor, Robert Filliou… Il monta notamment deux expositions qui firent date : le légendaire accrochage de toiles de René Magritte dans une cave verviétoise, dont « la porte ne fermait pas à clé » et aussi ce déballage hétérogène et irrespectueux des Arts d’Extrême Occident1, en 1964.
Il était d’abord et avant tout Régent du Collège de ‘Pataphysique.
Et l’ASQFA parut
Le 6 novembre 1986, l’ASQFA fut déclarée à la préfecture de Lille.
Son objet : œuvrer à la didactique quenienne, tant en propageant largement le message, qu’en encourageant les résurgences clandestines de la pensée de Raymond Queneau.
Siège à Villeneuve d’Ascq. Président : Guy Ciancia, secrétaire Yanik Miossec et trésorier, Pierre Callot. Depuis, les membres du bureau ont été renouvelés, les fonctions ont changé et certains se sont éloignés.
Blavier assurait illico de « sa sympathie, l’ASQFA naissante ». Claude Rameil manifestait depuis Levallois, le même intérêt pour « nos initiatives excentralisées ». Jean-Marie, fils de Raymond Queneau, déclinait la fonction de président d’honneur que nous lui proposions mais nous assurait de sa bienveillance.
Claude Debon, professeur de littérature à Paris III, responsable de l’édition des œuvres poétiques de Queneau dans La Pléiade qui paraîtra en 1989, souhaitait longue vie à l’ASQFA.
Quant à Pierre François David, animateur de la revue Merdre, il signe « Trouscaillon » et n’y va pas par quatre chemins. Ce disciple avéré de Queneau n’espère qu’une chose de l’ Académie : « qu’elle ne soit pas ennuyeuse ».
« kéceukeucé, demande-t-il, que ce Q.F.A dont tout Paris instruit (ou prétendu tel) parle ? en ce moment… Le fondamental est-il en rapport avec le maître-mot de Zazie ou s’agit-il de notion plus éthique (ou étique) ? Et l’application, ça va jusqu’où ? Le bulletin intérieur (?) la mise en images, la chemise empesée, ou l’entremise galante ? J’espère que ce n’est pas ennuyeux, en tout cas, parce qu’alorss on ne serait guère client… Curieusement vôtre, donc ».
Très tôt, le lillois Claude Daubercies, se joint à nous et « envoie les photos de la petite fille (il s’agit d’une photocopie d’un article de L’Express du 3 mars 1960, consacré au film de Louis Malle sur Zazie) et quelques fifrelins pour les cachous ». Daubercies, auteur du premier travail universitaire sur Queneau dans l’Hexagone2, était présent, en septembre 1960, à la Décade de Cerisy consacrée à Raymond Queneau.
La fin de l’année 1986 s’achève par les feux d’artifice queniens qui embrasent toute la métropole lilloise.
L’ASQFA à l’oeuvre
Le 5 novembre était publié le premier bulletin de liaison de l’ASQFA. Deux commissions d’études s’imposaient immédiatement : la commission « aux bistrots et autres lieux publics à connotation queneaulogique » fixait les lieux adéquats pour les réunions suivantes. S’imposaient déjà, Chez Pierrot, Au chêne, mais aussi À la descente des clochers, Au calvaire etc.
La seconde commission, plus franchement ouli(ou (OuX))pienne, interviendra dans le bulletin de liaison n° 2, en proposant aux académiciens les règles d’une « belote oulipienne ». Ce jeu Descartes (mélange de cartes à jouer et de cartes de visite) occupa plusieurs soirées hivernales.
On doit aussi à cette commission, et particulièrement au jeune et fringant Yanik Miossec, la formulation des bases de l’Ousporpo : organisation de concours fédéraux de sauts en profondeur, matches de football opposant 3 équipes sur terrain triangulaire et par récurrence n équipes sur un terrain polygonal ad hoc, ceci jusqu’au chiliogone. L’extension de ce jeu était envisagé sur un espace à 3 puis n dimensions. Ce qui supposait des équipements sportifs tétra, penta… édriques.
Plus tard le voltaïque Pierre-Simon Callot lança toute l’équipe sur l’étude de l’intersection lexicale entre Les Choses de Perec (1965) et Les mots et les choses de Foucault (1966). Il s’agissait avec des moyens rudimentaires (la numérisation n’en était qu’à ses débuts, sous la direction de Paul Braffort) de soustraire de l’oeuvre de Foucault, les substantifs, les verbes, les adjectifs et les adverbes appartenant à Perec. Ce qui conduirait à une avancée considérable pour l’appréhension des mots et donc, plus généralement pour l’analyse ontologique du discours.
En décembre 2012, P-S Callot était arrivé à la cinquante-sixième page de cette Histoire des années soixante. Et déjà, son travail nous éclaire de façon notable sur toutes les carabistouilles verbales du XXe siècle.
Les deux organons commissionnaires étaient subordonnés à l’instance Informatique et bibere. On envisageait une manifestation commune avec le lycée Raymond Queneau de Villeneuve d’Ascq pour le printemps 1987. L’établissement devait célébrer son dixième anniversaire en septembre de cette même année. Le projet tourna court3.
Doctrine, fondements et fonds de culotte
D’emblée l’ASQFA prend une orientation ‘pataphysique orthogonale. Un tel parti pris prolongeait le comportement pervers de Jacques Bens, André Blavier Jean Lescure et Raymond Queneau lui-même. Qui demandaient dans une lettre, souvent occultée, à l’issue du colloque de Cerisy, la création d’une chaire de Quercanologie générale dans le Collège. Le ton euphorique et immodeste de cette requête n’est pas dans la manière de Queneau. L’hypothèse la plus probable met en avant l’état d’ébriété des signataires. La lettre ne fut jamais envoyée4.
De ces velléités reformulées après dégrisement, naîtra bientôt le Séminaire de Littérature expérimentale. Puis quelques semaines plus tard, l’Oulipo. Cette « volonté » de soustraire son œuvre aux commentaires sorbonnards et de rattacher l’Oulipo, avant même sa création explicite, au Collège, est conforme à la manière de cet homme que nous aimons (sic). L’Oulipo est encore aujourd’hui une co-commission du Collège.
L’ASQFA, quant à elle, officie en dehors du Collège et de l’Oulipo. Elle s’est modelée au fil de transquinations autant queneaulogiques qu’œnologiques. Répondant de fait à la sentence de Queneau rappelée par François Caradec :il n’y a pas que la rigolade, y a aussi l’art. Ici encore, d’évidence, in vino veritas; Caradec avait appris sur le terrain, avec Queneau, la signification des fonds de culotte qui ne Suze cassis!
La suite au prochain numéro… sous le titre L’ASQFA et les sciences inexactes.
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Étaient rassemblées lors de cet évènement, un nombre conséquent d’oeuvres des avant-gardes surréaliste, lettriste, fluxus… Arman, Mesens, Ernst, Lemaître, Villeglé, Jorn, Baj, Spoerri, Manzoni, Dubuffet, Gagnaire, Isou, Rapin, Dors… figuraient au même catalogue que Maurice Pirenne, le vieil ami de Blavier. ↩
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Claude Daubercies : Le jeu des mots chez Raymond Queneau, Mémoire (DES-Lille), 1960. ↩
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Guy Ciancia : « Incidents au lycée Raymond Queneau et ailleurs », Temps Mêlés – Documents Queneau – n° 150+50, été 1991, p. 3-10. ↩
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Noël Arnaud : * C’est tout ce que j’ai à dire pour l’instant, Patrick Fréchet Éditeur, 2004, p. 120-121. ↩
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